Responsables publics : pourquoi parler de sa santé mentale est essentiel !


Olivier Torrès et Didier Demazière détailleront ces études lors de la table ronde organisée le 4 décembre 2025
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« Responsables publics : pourquoi parler de sa santé mentale est essentiel — ce que montrent les études Amarok & ELUSAN »
Elus, dirigeants, cadres dans la fonction publique — vous occupez une position de décision, d’exposition, de responsabilité. Pourtant, la santé mentale dans ces fonctions reste souvent un sujet tabou. Or, des recherches récentes, notamment celles de l’Observatoire Amarok (dirigées par Olivier Torrès) et du projet ELUSAN coordonné par Didier Demazière, démontrent pourquoi il est crucial de parler — non pas comme un acte de faiblesse, mais comme un acte de leadership et de responsabilité.
Ce que montre l’étude menée par l’observatoire Amarok (Olivier Torrès)
- Origine et mission : Amarok est une association fondée en 2009 par Olivier Torrès, Professeur des Universités (Montpellier) et spécialiste des petites et moyennes entreprises (PME). Il fédère une quinzaine de chercheurs qui étudient les liens entre la santé de l’entreprise et celle de son dirigeant.
Principaux constats :
- Près de 70 % des Maires se disent satisfaits en tant qu’élus, mais un pourcentage non négligeable présente des signes d’épuisement — Amarok identifie des risques de burn-out, surtout en contexte de crise. (Les femmes maires présentent un risque de burn-out significativement plus élevé).
- Les facteurs de stress identifiés : lourdeur administrative, manque de temps, pressions multiples, solitude dans la prise de décision.
- Développement d’outils de prévention : Amarok a mis en place des indicateurs tels que le stressomètre et le satisfactomètre des Maires pour aider à évaluer le niveau de stress / satisfaction, souvent invisibles dans les dispositifs classiques de santé au travail.
Implications :
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- Le bien-être mental n’est pas seulement un “bonus”, mais un facteur central de durabilité du leadership.
- Si la santé mentale est dégradée, les décisions, la concentration, la qualité du service public peuvent être affectées — le mandat peut devenir plus coûteux pour l’individu comme pour la collectivité.
Ce que montre ELUSAN (Didier Demazière)
- Cadre de l’étude : Le projet “ELUSAN — Les élu·e·s et leur santé. Contribution à la sociologie du travail politique” coordonné par Didier Demazière (CNRS / CSO / Sciences Po). Il vise à étudier comment les élus vivent leur santé (physique et mentale), comment ils la gèrent, quelles sont les attentes, les contraintes, les variations selon les mandats, le lieu d’élection, la situation personnelle, etc.
Enquête ELUSAN / Les élus et leur santé
Être maire aujourd’hui
Engagés, débordés, malmenés : quels effets sur la santé ?
Cette enquête menée en mai et juin 2024 auprès de 4928 visait à comprendre les réalités du mandat de Maire en France. Elle apporte un éclairage sur une dimension peu abordée : la santé des élus locaux.
Des effets préoccupants sur la santé :
L’enquête révèle que 83 % des maires estiment que leur mandat est usant pour leur santé.
Parmi les problèmes les plus fréquents :
- Troubles du sommeil, fatigue chronique,
- Lassitude, démotivation passagère ou persistance
- Stress élevé, lié aux imprévus, aux incivilités, aux contraintes administratives et au sentiment d’être constamment sollicité.
Des disparités selon les profils
Les maires des petites communes sont les plus exposés : moins de moyens, responsabilités très personnalisées, isolement accru. Le cumul avec une activité professionnelle ou des responsabilités familiales renforce les effets négatifs. Cette situation conduit de nombreux élus à s’interroger sur la poursuite de leur mandat : près de la moitié ont déjà envisagé de démissionner, au moins une fois.
Un tabou persistant et peu de soutien :
Parler de sa fatigue ou de sa santé mentale reste souvent perçu comme une faiblesse ou un risque politique. Peu d’élus disposent d’un accompagnement structuré, de formation ou de dispositifs d’écoute. L’isolement et le manque de reconnaissance aggravent le ressenti d’usure.
Pourquoi parler (n’est pas faiblesse, mais FORCE)
- Visibilité & normalisation
En rendant visible ce qui est vécu par beaucoup (stress, fatigue, doutes), on diminue la stigmatisation. Cela permet aux autres élus, aux cadres, à l’entourage professionnel de reconnaître qu’ils ne sont pas seuls.
- Prévention & performance
Parler tôt permet d’intervenir avant que la situation ne s’aggrave : fatigue chronique, burn-out, désengagement. Un leader en meilleure forme mentale est plus à même de prendre de meilleures décisions, de préserver la qualité des services rendus.
- Crédibilité & solidarité
Un élu ou cadre qui prend soin de sa santé mentale montre qu’il sait aussi prendre soin des autres, savoir reconnaître les limites, ce qui renforce la confiance. C’est une forme de leadership éclairé.
- Résilience institutionnelle
Si les personnes clés (élus, responsables) tombent dans l’épuisement, cela met en péril la continuité du service public ou des décisions stratégiques. Prévenir, cela protège aussi la structure (collectivité, administration).
Enjeux & recommandations
- Mettre en place des dispositifs institutionnels : plateformes d’écoute, cellules de soutien, formation à la gestion du stress, formation de secourisme en santé mentale, temps de décompression dans les mandats.
- Organiser des ateliers de prévention : gestion du stress, agir en cohésion,
- Créer des espaces de parole : entre élus, entre cadres, avec des pairs, pour partager expériences, bonnes pratiques.
- Prendre en compte la diversité des situations : genre, territoire, ancienneté, nature du mandat.
- Intégrer la dimension santé mentale dans les politiques publiques du statut de l’élu, des conditions de travail, des rémunérations, du droit à la déconnexion.
Conclusion
Parler de santé mentale quand on est élu ou cadre dirigeant dans la fonction publique n’est pas un signe de faiblesse — c’est un acte d’intelligence, de responsabilité et de leadership.
Sources
- Observatoire Amarok, travaux d’Olivier Torrès
- Projet ELUSAN, axe “Le rapport des élus à leur santé”, coordonné par Didier Demazière